Le printemps dans le Bergeracois : quels légumes croquent sous la rosée ?

22/05/2025

Les premiers légumes du renouveau : un terroir en éveil

Mars sonne l’heure du renouveau dans les campagnes du Bergeracois. Après les mois de latence hivernale, la terre s’assouplit, les premières montées de sève réveillent le potager. Dans ce coin de Dordogne, déjà reconnu pour ses vins et ses noix, la diversité légumière est à l’image d’un climat à la fois doux et vivifiant. Ici, l’arrivée du printemps ne se manifeste pas seulement par le chant des oiseaux : elle est surtout visible dans les paniers des maraîchers, où primeur rime avec saveur.

Que l’on parle de petites productions familiales ou d’exploitations en agriculture paysanne, la préférence demeure forte pour la saisonnalité et les variétés anciennes. Par ailleurs, le printemps offre la configuration idéale pour redécouvrir le goût brut et croquant des légumes fraîchement cueillis et récoltés à maturité.

Avril-mai : le calendrier fidèle des récoltes printanières du Bergeracois

Le printemps n’arrive pas d’un coup comme un éclair : il s’esquisse, s’étire, se précise, au fil d’avril et mai. Dans le Bergeracois, le travail du sol commence parfois dès les derniers jours de février, surtout sous tunnel ou serre froide, mais la première grande vague des récoltes s’amorce début avril.

  • Début avril : pousses d’épinards, radis roses primeurs, roquette, laitues de printemps (type Reine de Mai, Sucrine), oignons blancs, petites bottes de navets nouveaux, jeunes carottes, cresson, mâche restante.
  • Mi-avril à début mai : asperges blanches et vertes, cébettes (jeunes oignons), fèves, premiers pois gourmands, blettes nouvelles, bettes à tondre.
  • Fin mai : premières pommes de terre primeur, petits pois en grains, artichauts cédrats, courgettes timides sous abri, choux pointus, remplaçant progressivement les rangs des navets et radis printaniers.

La période s'étale en fonction des aléas : les gelées tardives ne sont pas rares en Périgord pourpre, et il n’est pas rare de voir maraîchers ou jardiniers amateurs recouvrir leurs sillons d’un voile de protection jusqu’au premier mai.

Zoom sur les saveurs et spécificités locales : le terroir du Bergeracois dans l’assiette

Le sol argilo-calcaire du Bergeracois, allié à un climat oscillant entre influences atlantiques et continentalité, autorise une belle diversité. Il façonne des légumes aux notes franches et persistantes, souvent plus intenses que ceux venus de régions aux terres plus légères (1).

  • Asperge du Périgord : emblématique du printemps, elle bénéficie depuis 2017 d’une IGP. Blanche, violette ou verte, elle représente près de 160 ha plantés en Dordogne, dont une grande part autour de la vallée de la Dordogne et de la Vézère (source : Chambre d’Agriculture de Dordogne). On la récolte généralement de mi-avril à début juin.
  • Radis roses de plein champ : prisé pour leur chair ferme et très fraîche, appréciés crus à la croque-au-sel. La production locale cultive notamment des variétés comme les Gaudry ou Flamboyant 3 – qui trouvent dans les terres du Bergeracois une vigueur singulière.
  • Fèves et pois gourmands : ces légumes secs mangés frais figurent en bonne place dans les cultures paysannes du secteur, souvent associés en intercalaires avec d’autres cultures de printemps.
  • Carottes primeurs : récoltées encore jeunes, plus sucrées et croquantes, parfois vendues avec leur feuillage qui révélera la fraîcheur de l’arrachage.
  • Navets nouveaux : ici, ce sont majoritairement les navets 'Marthe', au goût délicat, qui trouvent leur place dès avril, intéressants en botte, en salade ou revenus à la poêle avec aillets.

Relevons que certaines variétés sont en train de réapparaître, portées par la dynamique de producteurs locaux soucieux de diversité. Par exemple, le pois 'Petit Provençal', la laitue 'Sucrine du Berry', la betterave 'Crapaudine', ou des oignons traditionnels rouges à planter fin d’hiver.

Astuces de récolte et calendrier pratique pour consommateurs et jardiniers du Bergeracois

Le climat local impose d’ajuster les techniques : la Dordogne, bien que tempérée, peut surprendre jusqu’à la mi-mai par quelques matinées en dessous de 2°C. Pour pallier cela :

  • La pose d’un voile de forçage permet d’avancer les premiers semis d’un bon mois et de protéger les jeunes pousses des limaces et des gelées blanches.
  • Le paillage (paille, feuilles mortes ou textile biodégradable) limite les chocs thermiques et freine l’enherbement.
  • Les variétés précoces comme l’épinard 'Monstrueux de Viroflay', la laitue 'Reine de mai', la carotte 'Amsterdam Forcing' ou le radis 'Gaudry' sont plébiscitées pour les premières récoltes.

Pour le consommateur, le repère est le suivant : bottes fraîches, bouquets odorants de jeunes herbes (cerfeuil, ciboulette, persil plat), tiges de cébette encore souples — tous signes authentiques de fraîcheur. Un légume primeur, c’est un légume qui, du champ au magasin, arrive en moins de 24 h là où la distribution est courte.

Les marchés et circuits courts : où trouver ces légumes de printemps près de Bergerac ?

Le Bergeracois se distingue par l’animation de ses marchés de plein air et par un solide maillage de circuits courts favorisant l’accès aux légumes locaux. Quelques repères :

  • Marché de Bergerac (place Gambetta et place de la Myrpe) : chaque mercredi et samedi matin, essentiel pour trouver asperges, radis, carottes, laitues, cébettes, oignons blancs, herbes fraîches et petits pois dès la mi-avril.
  • Marchés de producteurs de Pays : label piloté par la Chambre d’Agriculture, ces marchés rassemblent des producteurs engagés dans la démarche du local et du saisonnier, par exemple à Sigoulès, Prigonrieux, ou Gardonne (2).
  • Boutiques de producteurs : structures coopératives (telles que Les Boutiques de Bergerac, Le Panier de Véro, La Ferme de Beatoun, etc.) sélectionnant leurs membres pour l’authenticité et la proximité des productions.
  • AMAP du Bergeracois : systèmes d’abonnement solidaire permettant de recevoir moins d’une semaine après récolte un panier garni de légumes primeurs, parfois accompagnés d’herbes ou de premiers fruits rouges.

L’ensemble de ces circuits garantit la valorisation du métier paysan et la préservation de variétés adaptées au terroir, souvent absentes des grandes surfaces ou du commerce “généraliste” (source : La Ruche qui Dit Oui, Chambre d’Agriculture).

Bonnes pratiques pour consommer plus local et soutenir l’agriculture de printemps

Dans un territoire où la vente directe a progressé de plus de 30 % ces dix dernières années (source : INSEE, 2022), se tourner vers les légumes de printemps du Bergeracois, c’est aussi perpétuer une idée vivace du “bien manger” local. Pour aller plus loin :

  1. Éviter les légumes hors saison : la tomate et le concombre, signes d’été, sont encore majoritairement importés ou issus de serres chauffées en France avant juin. Privilégier les légumes-saison, c’est limiter son empreinte carbone et découvrir parfois des goûts oubliés.
  2. Demander conseil à son maraîcher : une question sur la préparation des fèves, une idée de recette pour la sucrine, ou envie de tester le radis cuit ? Les producteurs partagent volontiers leur savoir et introduisent à la saisonnalité réelle des récoltes.
  3. Regarder l’origine des légumes : au marché comme en boutique, un affichage “Bergerac”, “Périgord” ou “Dordogne” est gage de production locale, contrairement à certains lots anonymes d’importation plus lointaine.
  4. Tester les variétés locales anciennes : elles sont plus adaptées au territoire, souvent plus riches en goût, et représentent un patrimoine végétal en danger lorsque les semences paysannes ne sont pas valorisées. Les légumes “oubliés” suscitent parfois l’émerveillement chez les enfants comme chez les grands débutants du potager.

Perspectives : la force du collectif et les nouveaux enjeux du printemps local

La dynamique autour des légumes printaniers du Bergeracois s’inscrit dans un mouvement global favorisant biodiversité, maintien de la paysannerie, et réduction des circuits logistiques. Le “primeur du coin” a vu sa demande bondir lors du premier confinement sanitaire : la crise a montré la fragilité d’une alimentation mondialisée et la résilience des petits producteurs bien ancrés (source : Agreste, 2021).

Soutenir les légumes du printemps local, c’est donc participer à un écosystème vertueux : celui d’une agriculture attentive, d’une terre respectée, et d’un lien fort entre ceux qui sèment et ceux qui cuisinent. Le printemps, plus que jamais, offre l’occasion de renouer avec ces saveurs, de questionner ses habitudes d’achat, et de faire vivre un savoir-faire qui s’écrit au fil des saisons… et des récoltes partagées.

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