Comprendre les différentes farines : complète, semi-complète et blanche

28/10/2025

De la graine au sac de farine : comprendre la mouture

Pour saisir ce qui différencie les farines, il faut se pencher sur la structure même du grain et sur les étapes de la mouture :

  • Le son : enveloppe extérieure du grain, riche en fibres, en vitamines du groupe B et en minéraux.
  • Le germe : cœur nutritif du grain, source de vitamines E, d’antioxydants et de bons acides gras.
  • L’endosperme : partie centrale, principalement composée d’amidon, responsable des qualités boulangères de la farine.

La mouture consiste à séparer (ou non) ces éléments pour obtenir de la farine plus ou moins raffinée. Plus la farine est tamisée et débarrassée du son et du germe, plus elle devient blanche.

Farine complète, semi-complète, blanche : définitions et types

En France, la réglementation attribue à chaque type de farine un numéro précédé de la lettre « T », qui correspond à la teneur en matières minérales (résidus de cendres après incinération d’1 kg de farine) :

Type Dénomination Teneur en cendres (g/kg) Description
T150 Complète 1,40 à 1,60 Garde la quasi-totalité du grain (son, germe, endosperme).
T110 Semi-complète (ou bise) 1,00 à 1,20 Partiellement tamisée, conserve une bonne partie du son et du germe.
T65 / T55 / T45 Blanche 0,45 à 0,65 Farine très tamisée, principalement endosperme.

(Sources : INRAE, Intercéréales, Le guide officiel de l’ANMF)

Farines : des profils nutritionnels opposés

  • La farine complète (T150) se distingue par sa richesse en fibres alimentaires : jusqu’à 9 à 12g pour 100g, contre 2 à 3g pour une blanche (selon Table Ciqual 2023, ANSES). Côté minéraux, elle apporte environ trois fois plus de magnésium (environ 100mg/100g), de fer et de potassium, ainsi qu’une bonne part de vitamines du groupe B (65% de la B1 du blé se trouve dans les couches externes, selon l’INRAE).
  • La farine semi-complète (T110) propose un équilibre : sa teneur en fibres se situe à environ 6 à 8g/100g, et la plupart de ses micronutriments sont conservés, même si elle est un peu moins riche que la complète.
  • La farine blanche (T65, T55...) contient 70 à 80% d’amidon, mais très peu de micronutriments et de fibres. Ses vitamines sont en majorité éliminées lors du raffinage – elle perd plus de 80% de ses minéraux et près de 90% de ses antioxydants (source : OMS, rapport sur la céréaliculture 2020).

La question de la glycémie est également majeure : l’index glycémique d’une farine blanche de blé est élevé (proche de 80), amplifiant le pic de sucre dans le sang après ingestion, tandis que la complète ralentit ce phénomène (IG aux alentours de 60). Les farines moins raffinées favorisent donc une satiété plus longue et un meilleur contrôle de la glycémie (Source : Harvard Health Publishing, Carbohydrates and Blood Sugar, 2021).

Farines blanches, semi-complètes, complètes : quels usages en cuisine ?

Une farine ne donne pas la même texture ni le même goût selon son degré de raffinage :

  • La blanche (T65, T55, T45) est prisée pour ses qualités techniques : pain blanc à la mie légère, pâtisseries fines, crêpes, viennoiseries. Elle donne volume, douceur et élasticité aux pâtes.
  • La semi-complète (T110) est polyvalente. Moins dense que la complète, elle se prête aussi bien au pain qu’aux cakes, gâteaux rustiques, pâtes à tarte ou pizza. Elle colore et parfume sans alourdir.
  • La complète (T150) a une saveur marquée, légèrement noisettée, et une texture plus dense. Elle est idéale pour le pain de campagne, les galettes, certains biscuits. Dans les recettes classiques, il est conseillé de la mélanger à une farine plus fine pour éviter une pâte trop compacte.

Anecdote : le pain complet n’a retrouvé le devant de la scène en France qu’à partir des années 1970, sous l’impulsion du mouvement de retour au naturel, alors que jusque-là, la farine blanche était synonyme de progrès et de raffinement.

Farines locales et production responsable : des choix engagés

Opter pour une farine moins raffinée, locale et paysanne, c’est aussi soutenir un modèle agricole plus vertueux :

  • Moins de transformation : la mouture sur meule préserve davantage les nutriments et nécessite moins d’énergie que le raffinage industriel. Le rendement de meunerie artisanale est aussi plus favorable aux variétés anciennes, plus rustiques.
  • Soutien à la biodiversité : les petites céréales, variétés oubliées ou anciennes, trouvent un nouveau débouché avec la demande accrue de farines complètes et semi-complètes.
  • Traçabilité garantie : à la boutique ou au moulin local, chaque sac est l’aboutissement d’une histoire partagée avec le producteur, du champ à l’assiette.

Selon l’INSEE (2022), 47% des pains dits « de campagne » sont désormais fabriqués à partir de farines T80 à T110, alors qu’ils ne représentaient que 25% du marché en 2000. C’est la preuve d’un véritable renouveau des circuits courts autour de la farine et du pain artisanaux.

La question des pesticides et des mycotoxines

C’est un autre point clé, souvent moins connu mais pourtant central : le son, et donc la farine complète, concentre non seulement les micronutriments, mais aussi les éventuels résidus de pesticides et de mycotoxines (champignons microscopiques présents sur les céréales). Les farines complètes bios limitent grandement ce risque, car les traitements chimiques de synthèse sont absents et les contrôles, renforcés. Six fois moins de résidus de pesticides ont été relevés sur les farines complètes bio que sur celles issues de l’agriculture conventionnelle (DGCCRF, étude 2022).

Mieux choisir sa farine : repères et conseils

Pour ceux qui souhaitent diversifier et enrichir leur alimentation en privilégiant le local, quelques points pratiques à retenir :

  • Privilégier les labels et la transparence : bio, mention « paysan », indication du moulin ou de la ferme, date de mouture.
  • Adapter la farine à la recette : pain rustique ou sportif ? Privilégier T110, T150 ou même mélanger. Gâteau aéré ou pâte fine ? Opter pour T65 ou T55.
  • Acclimater son palais : une transition brutale vers la complète ne convient pas à tout le monde. Procéder progressivement, en mélangeant les types de farines.
  • Conserver la farine complète ou semi-complète au frais et à l’abri de la lumière : le germe, plus riche en lipides, rancit plus vite que l’endosperme seul.
  • Se rapprocher des producteurs : demander conseil en boutique ou au moulin, connaître l’histoire du grain, s’inspirer des recettes traditionnelles du territoire.

A noter : la France est le deuxième consommateur de pain en Europe, avec 120g par jour et par habitant, mais ce chiffre baisse au profit d’une diversité grandissante des usages de la farine (source : Observatoire du pain, 2023).

De la richesse du grain aux choix éclairés

Peu de produits témoignent autant du lien entre terre et table que la farine. Sur un même territoire, chaque choix – variété de blé, mode de mouture, degré de raffinage – dessine une façon de se nourrir mais aussi de vivre ensemble, en soutenant un modèle agricole humain, diversifié, transparent. Réintroduire les farines semi-complètes ou complètes, c’est renouer avec la diversité, la vitalité des sols, la noblesse de gestes anciens, et redonner à nos recettes une part de terroir trop longtemps disparue derrière la blancheur standardisée. C’est aussi s’accorder une parenthèse sensorielle, à travers des saveurs et des arômes renouvelés, chaque saison, chaque récolte. Le vrai levain d’une alimentation plus locale, plus consciente, plus vivante.

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